La notion de Grand Remplacement est partout dans le débat. Les uns pour nier l’évidence, les autres pour avertir les Français des conséquences de l’immigration massive. Face à la polémique, Renaud Camus, inventeur de la formule s’explique enfin.

Le mensuel l’Incorrect consacre un dossier important au remplacement de populations qui a lieu actuellement en Europe. Contrairement aux médias habituels, il donne la parole à l’homme qui est à l’origine de la formule. Un extrait.

Renaud Camus jouit désormais d’une renommée mondiale parfaitement imméritée. Celui qui a sculpté l’expression « Grand remplacement » mais prône « l’innocence » est effaré par la stupidité des commentaires journalistiques qui confondent tout. La violence croissante réalise ses prophéties. Personne depuis Jean Raspail n’a été aussi déçu d’avoir eu raison.

Pour couper enfin court à tous les contre-sens ou à tous les mensonges sur le sujet, qu’est-ce que le Grand Remplacement sous votre plume ?

D’abord ce n’est pas une théorie, je ne suis pas un intellectuel. Plût au ciel que ce ne fût qu’une « théorie », ou un «slogan d’intellectuel», comme dit M. Bardella. C’est un syntagme, un simple nom, comme la Guerre de Cent Ans, la Fronde ou la Révolution française, pour une période de l’histoire et son phénomène le plus marquant. Du phénomène en question je ne saurais donner de définition mais j’en puis offrir des synonymes, plus ou moins approximatifs comme le sont toujours les synonymes: immigration de masse, submersion migratoire, changement de peuple et de civilisation, islamisation, africanisation, et enfin, le moins modéré, que j’emprunte à Aimé Césaire – lequel en usait dans un autre contexte, certes – génocide par substitution.

En parlant de la fusillade de Christchurch en Nouvelle-Zélande, Renaud Camus déclare : « D’abord je suis accablé par l’événement lui-même, qui est une catastrophe épouvantable, et je suis de tout cœur avec les victimes. En plus de ce grand désastre, il y a pour moi une petite catastrophe personnelle : il est accablant de voir ramener à soi pareille tragédie. Elle est évidemment le contraire de tout ce que j’ai pu écrire, puisque le concept central de mes réflexions politiques, c’est l’in-nocence, c’est-çà-dire la nonnocence, la non-nuisance, l’exigence de ne pas nuire et donc d’éviter autant que possible la violence, surtout contre les innocents. »

En quoi ce processus serait-il forcément mauvais ?

En ceci d’abord que toutes les cohabitations culturelles ou de civilisations différentes ont toujours très mal tourné, soit dans le bain de sang, soit dans la soumission d’une des parties. Un des avantages de l’âge, c’est qu’on peut affirmer que c’était mieux avant, les gens ne peuvent pas vous répliquer que vous n’en savez rien : on y était. Et je puis vous assurer que la vie était plus douce et plus civilisée il y a cinquante ans, quand nous étions un peuple avec son territoire : il y avait moins d’agressivité dans l’air et de violence prête à sourdre, on avait moins le sentiment de devoir sans cesse se méfier, les femmes étaient plus libres, les villes étaient plus belles et plus propres, le bidonville global n’avait pas commencé de s’étendre. Mais surtout, surtout, le monde du remplacisme global, cette GPA généralisée, reflète une conception désespérante de l’homme : désoriginé, dénaturalisé, déculturé, infiniment remplaçable, condamné à un présent perpétuel, échangeable à merci, comme un produit autoproduit qui s’achèterait lui-même, indéfiniment.

«C’est précisément une des raisons de mon opposition farouche au Grand Remplacement: la conviction que les sociétés multiculturelles et pluri-ethniques sont fatalement porteuses de violence, de nocence petite et grande, de méfiance généralisée. D’autre part, je trouve bien sûr d’une rare malhonnêteté ceux qui m’accablent aujourd’hui alors que les mêmes, hier, n’avaient pas de mots assez forts pour écarter l’amalgame, comme ils disaient, quand il s’agissait d’attentats perpétrés par les islamistes.»

À ce sujet, vous parlez de « Matière Humaine Indifférenciée (MHI) ». Qu’est-ce que cela signifie ?

Cela signifie que l’homme est réduit au triple statut de producteur, de consommateur et de produit : une pâte normalisée, standardisée, de composition chimique un peu douteuse, étalable n’importe comment n’importe où — je parle assez volontiers aussi de Nutella humain. Je suis horrifié par ce que colportent les journaux depuis quelques jours, et jusqu’au Times of Israel, un pays pourtant ami: ce qu’ils appellent la « théorie » du Grand Remplacement aurait une origine nazie, ou néo-nazie ! C’est la dernière invention de « la Clique ».

L’humanité est forcément en cause quand on approche le Grand Remplacement par des cas individuels comme cette petite fille togolaise, sans abri à Paris avec ses parents.

J’ai consulté mes avocats, nous allons porter plainte pour diffamation. Mais les gens qui colportent ces énormités imbéciles ont moins tort qu’ils ne le croient eux- mêmes : car si la prétendue « théorie » du Grand Remplacement n’a rien à voir avec le nazisme, et pour cause, ni avec le moindre totalitarisme, le Grand Remplacement lui-même, la chose, et surtout ce que j’appelle le remplacisme global, le principe, l’idéologie, me semblent bel et bien relever de la même histoire que le nazisme : celle de la déshumanisation de l’homme, de son industrialisation post-industrielle. Je ne dirais pas que le remplacisme global est le fils ou l’héritier du nazisme, il est plutôt son neveu. Sans vouloir en rien contester, il va sans dire, le caractère unique de la Shoah, il faut bien voir que c’est le même principe concentrationnaire, si bien entrevu et dénoncé par Bernanos, qui donne ici les camps et là le bidonville global. Le nazisme et le remplacisme global appartiennent à la même généalogie, issue de la Révolution industrielle, et dont les figures-clefs sont Frederick Taylor et Henry Ford autant qu’Hitler. Le remplacisme global, cinématographiquement, c’est Métropolis +Les Temps modernes + Soleil vert. […]

Les bobos prennent fait et cause pour les migrants à partir d’une position de privilège : leur arrivée massive ne met en danger ni leur habitat ni leur revenu et leur permet de se valoriser au sein d’une société qui préfère l’étranger aux siens.

Vous êtes devenu paradoxalement un écrivain ostracisé par le monde éditorial et médiatique d’un côté, et une « star » mondiale de l’autre côté, pour vos formules sur le Grand Remplacement. Étonnant, non ?

Disons qu’à titre personnel être ostracisé me va probablement moins mal qu’à d’autres. Je n’ai pas de besoins sociaux. Quand la vie médiatique et littéraire c’est « On n’est pas couché », convenez qu’en être banni est moins humiliant qu’aux temps de l’hôtel de Rambouillet, de Mme du Deffand ou de l’Abbaye-aux-Bois. Le seul aspect fâcheux de la situation, c’est que je ne peux pas répondre quand « la Clique », assurée de n’être pas contredite, puisque je suis interdit de parole, se permet de raconter sur moi tout et n’importe quoi. De plus personne ou presque ne m’a lu, parmi les discoureurs, ce qui autorise les généalogies les plus absurdes. […]

L’extrême-gauche se mobilise en faveur des migrants au nom d’une idéologie dépassée et par haine de l’Europe et de ses valeurs.

Mais votre public a dû s’élargir ces dernières années ?

Pas du tout. Bien au contraire. Je n’ai plus d’éditeur et suis banni de toutes les librairies. Je suis l’homme invisible. Les gens ne songent pas à aller chercher mes livres sur Amazon, où ils sont pourtant bien faciles à obtenir. D’ailleurs la plupart des lecteurs potentiels ne savent même pas que Le Grand Remplacement est d’abord un livre (de même que Le Petit…). Parmi les attaques dont je fais l’objet, une des plus basses et des plus révélatrices du mode de penser de ceux qui la formulent, c’est celle selon laquelle le changement de peuple serait mon « fonds de commerce ». Je ne souhaite à personne un tel fonds de commerce.

Renaud Camus n’est pas un idéologue ou analyste politique comme Jared Taylor (photographié ici accordant un entretien aux marges d’une conférence d’American renaissance). Il aborde le Grand Remplacement à partir d’une sensibilité d’artiste.

Avez-vous un espoir politique ?

Il y a une chance sur un million. L’adversaire est partout, et il tient toutes les issues. On ne peut s’en sortir qu’en utilisant sa force à lui, comme au judo. Voyez Amazon, que je mentionnais à l’instant, ou Twitter, ou Facebook. C’est chevaucher le dragon. Mais il faut tout tenter. On ne peut pas ne rien faire. Un miracle peut arriver, qui sait ? Je garde l’espérance. Nous avons quatre modèles: la lutte des peuples pour le droit à disposer d’eux-mêmes, la Grèce, la Hongrie, la Pologne, le Risorgimento, au XIXe siècle (et certes la Reconquista, plus loin dans le temps) ; la Résistance, lors de la précédente Occupation; les différents combats pour la décolonisation, Gandhi, Fanon, Ben Bella; et les dissidents soviétiques. Ceux-là sont ceux qui nous ressemblent le plus, à la fois, et ceux qui donnent le plus d’espérance. Ils étaient aussi seuls que nous, aussi désarmés, aussi calomniés et traînés dans la boue. Et pourtant ils ont fait tomber un énorme système.

Le monde politique n’ose pas reconnaître le réel comme le voient les Français. Ils restent prisonniers de la doxa médiatique qui cherche à démoniser le sujet et à imposer une censure vigilante. Marine Le Pen n’ a malheureusement pas fait exception en cherchant à prendre la tangente. Il est urgent qu’elle rectifie.

Comme le système soviétique, le système que nous affrontons est entièrement bâti sur le mensonge. Tout est faux dans le remplacisme global: c’est ce que j’appelle le faussel, le réel faux, le réel inversé. Le mensonge fondateur, pilier de tous les autres, étant naturellement la négation du Grand Remplacement, qui est pour moi le négationnisme moderne. Mais quand tout est mensonge, de tels systèmes peuvent s’effondrer d’un coup, en quelques jours ou quelques mois, on l’a bien vu avec l’univers soviétique : il suffit qu’un enfant retire son doigt de la digue, ou déclare en son innocence que le roi est nu.

Paul-Marie Couteaux nous emmène pour TV Libertés à la rencontre de l’essayiste et écrivain Renaud Camus. Une série de six épisodes pour une rencontre de haut vol où se mêlent culture, littérature, histoire, patrimoine et politique. Un événement !

Retrouvez l’intégralité de l’entretien dans les colonnes de l’Incorrect en cliquant ici. Abonnez-vous à ce mensuel, c’est bon pour votre santé mentale !
Photos DR ou déjà créditées ou CC via Flickr de : Jeanne Menjoulet, Martin Gomel, Union européenne.

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