Les services français sont-ils impliqués dans la mort de près de deux cents personnes à Madrid en 2004 ? C’est l’étonnante révélation que vient de faire un ex-commissaire de police espagnol.

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Des agents français sont-ils impliquées dans le pire attentat commis en Europe ?

Le 11 mars 2004, l’explosion des bombes posées par des terroristes islamistes dans quatre trains de banlieue se dirigeant vers la gare d’Atocha à Madrid avait provoqué la mort de 191 personnes et en a blessé 2 062. Aujourd’hui, douze ans plus tard, un ancien haut gradé de la police espagnole fait des révélations explosives qui impliquent les renseignements français dans cet attentat.

Après avoir été l’homme fort des basses œuvres des régimes successifs, l’ex-commissaire Villarejo a été rattrapé par son passé et inculpé pour ses activités à la tête d’une véritable police parallèle et emprisonné.

 

En mars 2004, ces attaques se produisant quelques jours avant les élections générales en Espagne ont eu un impact considérable sur le résultat sorti des urnes. Le Parti populaire du premier ministre José María Aznar, donné pourtant largement gagnant avant les explosions, était facilement battu par le Parti socialiste de José Luis Rodríguez Zapatero.

Des longues années d’enquête, un procès spectaculaire et de très nombreuses zones d’ombre font de cette attaque terroriste un cas à part. Beaucoup d’Espagnols sont convaincu que les vrais responsables n’ont pas été condamnés et que seul des lampistes sont morts dans les affrontements avec la police ou ont fini en prison.

Des 192 morts de la tuerie, 51 étaient étrangers, venant en particulier de Roumanie et d’Équateur ;
Le nombre définitif de blessés atteint 1 430 ; 78 immigrants blessés ont par la suite été naturalisés ; 732 autres ont obtenu un permis de résidence temporaire ; la police a analysé 25 000 indices aboutissant à la résolution de 100 profils génétiques et à 1 334 empreintes digitales ;
42 millions d’euros ont été concédés aux victimes et à leur famille ; 2 536 « Médailles du 11-M » ont été concédées aux forces de l’ordre.

Une barbouze espagnole, l’ex-commissaire de police José Manuel Villarejo, en prison depuis novembre 2017, inculpé de différents délits commis à la tête d’une véritable police parallèle, ancien grand manitou d’opérations clandestines au service des différents gouvernements et de grandes entreprises, vient de faire des déclarations explosives concernant les circonstances de l’attentat du 11 mars 2004 (11M) et sur ses vrais responsables.

Ne supportant pas son incarcération, dont il attribue la responsabilité à ses anciens commanditaires, l’ex-commissaire Vijjarejo multiplie depuis quelques mois les révélations en apportant des preuves qui impliquent d’anciens responsables politiques dans des opérations criminelles.

11 mars, entre 7 h 39 et 7 h 42 du matin. Dans quatre trains de banlieue, venant de Guadalajara et d’Alcala de Henares roulant vers la gare d’Atocha, dix sacs à dos chargés de Goma2 explosent. Les terroristes ont calculé que les trains seraient alors en gare au moment de la matinée où la fréquentation est la plus élevée, où les banlieusards se hâtent de rejoindre leurs chantiers, leurs bureaux.

Toute le petit monde des médias espagnols attendaient avec impatience les révélations qu’il pourrait faire sur les attentats du 11M qui ont bouleversé l’histoire de l’Espagne.

Finalement, on a appris le 6 mars 2019 que Vijjarejo a remis un écrit au juge antiterroriste Manuel Garcia Castellon dans lequel il fait des révélations sur le 11M dont la principale est que l’attentat aurait été facilité par des agents marocains avec la participation d’agents français de la DGSE.

En ce petit matin blême, 192 personnes ont rendez-vous avec la mort, dans le plus grand massacre commis en Espagne par une bande criminelle. Le spectacle est dantesque : wagons déchiquetés, corps meurtris, bénévoles en pleurs, sauveteurs débordés, ambulances ivres, gyrophares allumés, roulant dans tous les sens. Les télévisions du monde entier retransmettent en direct les images, en évitant pudiquement de montrer l’horreur profonde du carnage : les corps coupés en deux; les membres déchiquetés, les mères en sang tenant dans leurs bras leur enfant sans vie, des jeunes gens se tenant à deux mains le ventre transpercé, les entrailles saillantes comprimées par leurs doigts trop fins. Du sang, du sang partout. Un spectacle d’apocalypse, qui bouleverse la terre entière.

A l’époque, l’homme qui fait ces révélations se trouvait au cour de la police espagnole, spécialisé dans la recherche de renseignements. Il affirme aujourd’hui que la police avait détecté des influences marocaines et françaises mais que « étonnamment, on n’a rien fait alors pour explorer ces pistes ».

Le fait que les porteurs de bombes n’avaient pas été préparés en vue de leur suicide et qu’ils aient évité tout affrontement direct avec la police prouve selon lui qu’il s’agit bien d’une opération organisée par un ou des services de renseignements et pas par une organisation musulmane radicalisée.

Réuni en cabinet de crise à La Moncloa, le gouvernement pointe immédiatement du doigt le coupable : c’est ETA bien sûr. Seule cette organisation a la capacité et la volonté de commettre un tel forfait. Et les exemples abondent : en décembre 1999, le groupe terroriste avait voulu faire voler en éclats la Tour Picasso, un des gratte-ciel de la capitale, abritant 5 000 personnes. Seule l’arrestation du commando à Calatayud, alors qu’il allait déposer 1,7 tonne de dynamite dans le parking souterrain de la tour, avait empêché la tragédie. De même l’interception en octobre 2000 de deux étarres avait empêché ETA de piéger un ferry-boat assurant la liaison entre Valence et Palma de Majorque. 1 400 personnes étaient à bord. Dans les deux cas, il se serait agi d’attentats de masse. Comme en ce 11 mars. Et chacun se souvient des paroles de l’activiste Belén González, Carmen, lors de son procès : Au moment où nous devrons engager des pourparlers, il faudra que nous mettions cent morts sur la table de négociation. »

Villarejo mentionne également que des pistes sur des complices des attentats n’ont pas été poursuivies car elles auraient révélé que ces complices étaient également des indicateurs du renseignement espagnol (CNI).

L’ex-commissaire mentionne une piste des plus intéressantes pour connaître le donneur d’ordre. De nombreux appels téléphoniques avaient été reçus le jour de l’attentat par les terroristes en Espagne en provenance d’une cabine téléphonique au Liban dans une zone sous contrôle du régime de Damas. Vijjarejo sollicite du ministre de l’Intérieur l’autorisation de se rendre en Syrie récupérer cette liste.

l’enjeu est politique et l’équation simple : si effectivement ETA est l’auteur du crime, le candidat du PP, Mariano Rajoy sera élu dans un fauteuil. Par sa connaissance des dossiers – il est l’ancien ministre de l’Intérieur – il sera le mieux placé pour combattre le terrorisme basque. Si en revanche, il s’agit d’un attentat commis par une autre organisation, et l’on pense en ce cas à Al-Quaeda, alors Zapatero a toutes ses chances. Ne dénonce-t-il pas le choix d’Aznar d’avoir envoyé en Irak une force de 1 300 hommes, contre son opinion publique, réfractaire à sa décision à près de 91 %. Insidieusement, le doute s’installe.

A sa grande surprise, cette permission lui est refusée et pendant ce temps, les services français ayant reçu une information de Madrid, ont récupéré cette liste pour en caviarder des numéros avant de la remettre aux Espagnols interdisant ainsi selon l’ex-commissaire d’identifier le commanditaire des attentats.

Ce que met en lumière les révélations de Vijjarejo, c’est le mauvais climat entretenu par le gouvernement de droite espagnol tant avec le Maroc qu’avec la France. Selon l’ex-commissaire, ces deux pays seraient intervenus à plusieurs reprises auprès de personnes impliquées dans les attenants et même, en ce qui concerne les marocains, apporté les connaissances techniques nécessaires au bombes et à la coordinnation des attaques.

Dans la nuit du jeudi au vendredi 12, la découverte d’un sac apporté avec d’autres effets en vue d’inventaire au commissariat de Villa de Vallecas contenant des explosifs n’ayant pas explosé en gare. Mis à contribution, les artificiers réussissent à désamorcer la charge et mettent à jour 10 kg d’explosif, deux cents vis, une sorte de pâte similaire à de la pâte à modeler de dix kilos, de Goma2 et un emballage présentant un numéro de série à huit chiffres. Et surtout un téléphone portable de marque Mitsubishi « Trium » avec une carte à puce prépayée. Le dispositif est diabolique, le téléphone reçoit un appel, ou son alarme est activée, l’impulsion électrique, via un câble, va jusqu’au détonateur et active l’explosif. Ce sera le début du fil rouge menant aux terroristes.

Dans son écrit au juge, l’ex-commissaire ne présente aucune preuve impliquant les services français dans quoi que ce soit en relation avec l’attaque terroriste du 11 mars 2004. Il n’en demeure pas moins que Villarejo souligne in fait indiscutable : les musulmans radicalisés impliqués dans l’attentat étaient de nationalités différentes mis tous parlaient français.

En revanche il serait bon qu’une enquête judiciaire soit ouverte pour explorer et clôre les pistes indiquées par l’ex-commissaire qui implique les services de renseignements français.

Durant les trois jours séparant l’attentat des élections, les Espagnols suivent avec anxiété et rage l’évolution de l’enquête. Et la presse, dans sa diversité, rend compte de ce qu’elle sait, ou de ce qu’elle ressent. Tout d’abord unanime le jeudi à condamner ETA, elle doute dès le vendredi, bien qu’Aznar a pris la peine de téléphoner en personne aux principaux directeurs des journaux afin de leur confirmer que les terroristes basques sont bien les auteurs de l’attentat. Ce qui constitue une faute politique qui lui sera longtemps reprochée. Avec le recul et toute l’objectivité nécessaire, force est de constater que le public, ou plutôt les électeurs espagnols, a été pris en otages par une double manipulation médiatique, de droite, puis de gauche.

Il est possible que les services français soient impliqué indirectement tout comme la police espagnole l’a été. Comme les terroristes musulmans radicalisés sont surveillés il est normal que différents services se soient croisés sur leur piste.

Par exemple, lors de l’instruction, la police a certifié que seul un explosif avait été utilisé, du plastique dérobé dans une carrière. Mais des indices sérieux signalent la présence d’un autre type d’explosif, la Titadine, qui selon le commissaire avait été fourni par la Garde civile pour « marquer » des livraisons de plastic et en faciliter l’identification et l’interpellation des acheteurs. De toute évidence, la Garde civile ignorait tout des intentions de ces suspects et l’usage qui allait être fait de ces explosifs.

L’exaspération dans le pays est alors à son comble. L’opinion est déboussolée. Le gouvernement, droit dans ses bottes, affirme ne rien cacher et donner les informations dont il dispose en temps réel. Mais la morgue d’Aznar, la rigidité de Rajoy passent mal. Le peuple veut savoir et sent confusément qu’on joue avec lui. D’autant plus que la presse internationale, frappée de cécité, à moins qu’elle n’ait pris une position partisane, emboîte le pas. « Le mensonge d’État », titre un quotidien français.

Dans son projet de livre sur le 11M, dont il a commencé la rédaction en 2006, l’ex-commissaire insiste beaucoup sur la mauvaise entente entre le Maroc et la France d’un côté, et l’Espagne de l’autre. A cette époque, Madrid choisit l’alliance américaine et participe aux opérations en Irak alors que la France a tout fait pour que l’Europe n’y soit pas impliquée. Rabat supporte mal un gouvernement espagnol qui répond avec fermeté à des petits conflits frontaliers (comme l’occupation de l’île espagnole de Perejil) et qui avait perdre la face au roi du Maroc dans son pays.

Dans ces mémoires, le chef du gouvernement espagnol Jose Maria Aznar fait référence à la relation étroite entre Paris et Rabat qui agissaient comme une pince hostile à: l’Espagne.

Voici le sommaire de la première partie de ce livre qui est très explicite :

Première partie : le bouillon de culture

Irak : une guerre imprévue, les erreurs des Etats-Unis.
Les voisins-ennemis du Nord et du Sud.

Les amitiés dangereuses (l’alliance entre les Etats-Unis et l’Espagne)… je veux et je ne peux pas…

La claque du Français – la visite du protecteur (Paris se déplace à Madrid)

Perejil : (la réponse inattendue… et pas oubliée)

La visite de la rancœur (Rabat vient à Paris)… comment on a suivi les voyageurs à la trace

Les ambassadeurs de la haine… vivant dans des campements au Liban

(…)

Les yeux fermés des « frères syriens ». Ils se refusent à donner le suivi des appels téléphoniques d’une cabine téléphonique au Liban et après avoir effacé quelques appels, ils les donnent aux Français.

La quelle des services français, du contrôle de l’ETA à celui des petits arabes du Magreb.

Pour tous, les électeurs, les commentateurs, les spécialistes, il ne fait aucun doute que les attentats d’Atocha ont été commis par Al-Quaeda pour punir l’Espagne d’avoir envoyé des troupes en Irak. Las, cette hypothèse s’avère fausse : l’arrestation le 7 juin 2004 à Milan de Rabei Osman El Sayed, alias « Mohamed l’Egyptien » (voir encadré) permet avec certitude de dater la décision des islamistes de châtier l’Espagne : octobre 2001. Soit deux ans et demi avant la décision d’Aznar de rejoindre « l’axe du mal » Bush-Blair. Le massacre de Madrid n’a donc rien à voir avec l’envoi des soldats espagnols à Bagdad…

Dans sa conclusion l’ex-commissaire insiste que les avantages obtenus après l’attentat sont réels : « le Maroc améliore ostensiblement ses relations avec Madrid » et accorde à l’Espagne des avantages concrets comme des accords de pêche et la France voit arriver au pouvoir un gouvernement de gauche qui s’éloigne des Etats-Unis et se rapproche de Paris pour la politique au Porche-et Moyen Orient.

Les révélations de l’ex-commissaire Villarejo ont fait sensation en Espagne car personne n’a été satisfait par les conclusions de l’enquête officielle. Impliquer des services secrets étrangers est une solution de facilité car ces fonctionnaires n’ont pas l’habitude de répondre aux accusations publiques.

Le 11 avril 2006, le juge Juan del Olmo clôture son instruction et renvoie vingt-neuf personnes devant un tribunal anti-terroriste où le procès a lieu du 15 février au 2 juillet 2007. Le verdict est rendu me 31 octobre 2007. Tris prévenus écopent de la prison à perpétuité, dix-huit autres de peines allant de trois à quinze ans de prison. Sept autres sont acquittés. Le 17 juillet 2008, le Tribunal suprême réduit quelques peines et quitte quatre condamnés. Cette conclusion judiciaire ne satisfait personne et depuis un grand malaise demeure car des zones d’ombre sont restées inexplorées dont les rapports étroits entretenus par certains accusés avec les fours de l’ordre.
Les victimes n’ont plus pour se consoler que le mémorial qui a été bâti à leur mémoire à Madrid (ci-dessus).

Il est très possible que depuis sa prison madrilène, Villarejo exploite des indices bien réels pour bâtir une hypothèse farfelue destinée à attirer l’attention sur lui et faciliter sa libération. Toutefois, espérons que le juge d’instruction obtienne un accès aux documents prouvant les dires de l’ex-commissaire et que le police affirme qu’ils se trouvent dans les archives du ministère de l’Intérieur espagnol.

Nous invitons nos lecteurs hispanisants à prendre connaissance des articles suivants de la presse espagnole qui traitent de cette affaire :

El Español en cliquant ici, ici, ici, ici, ici, ici.

Sur le site d’information enligne Moncloa en cliquant ici.

 

Photos DR ou CC via Flickr de Nadel4, Maria Cantalapiedra et Dr_zoidberg.