À 29 ans, Andréa Kotarac avait l’avenir devant lui. Conseiller régional LFI d’Auvergne-Rhône-Alpes, pressenti par certains pour succéder à Djordje Kuzmanovic auprès de Mélenchon, il était le dernier à défendre une ligne souverainiste au sein des Insoumis – qu’il quitte. Le populisme, c’est lui !

La revue éléments, le vaisseau amiral des revues d’idées de la droite à la gauche, marque à nouveau les esprits avec un numéro où le populisme de gauche est décortiqué. Au programme, un passionnant entretien avec André Kotarac, la jeune pousse de la France insoumise qui abandonne Jean-Luc Mélanchon à cause de ses dérives anti-nationales.

ÉLÉMENTS: Qu’est-ce qui vous a convaincu d’adhérer à La France insoumise ?
ANDRÉA KOTARAC. Je dois avouer que je suis plus un mélenchoniste qu’un Insoumis. Ce qui m’a plu dans cette pensée, c’était ce lien plutôt jaurésien entre l’internationalisme, la défense de la patrie et l’amour qu’on lui porte. C’était cette capacité àremettre en avant l’importance des relations internationales dans la conduite des politiques nationales. À l’heure où le PS prenait une pente libérale, il n’était pas question pour nous d’oublier notre histoire, les millions de pauvres, la défense du savoir-faire français, les ouvriers ou encore les territoires abandonnés. Vous avez remarqué combien le mot « gauche » a été galvaudé, que ce soit par les No Border contre les souverainetés ou par Hollande contre les « sans-dents ». Face à cela, Jean-Luca eu ce courage et ce génie de lancer LFI. L’objectif n’était pas de réunir une gauche à la sauce « Terra Nova/Soros » pour battre la droite ou de nous contenter du Mariage pour tous. Il s’agissait de rassembler le peuple contre l’oligarchie, autre ment dangereuse. C’est cette stratégie populiste qui a prévalu en 2017. Il ne s’agissait alors pas seulement d’une question de forme, mais bien de fond politique. Comme disait Hugo, « la forme c’est le fond qui remonte à la surface ».

ÉLÉMENTS: Quel regard portez-vous sur la mondialisation?
ANDRÉA KOTARAC. Ma réflexion sur la mondialisation a commencé lorsque ma génération s’est intéressée, au lycée, au premier sujet politique d’ampleur: le référendum sur le TCE, en 2005, que les Français ont rejeté avantque Sarkozy ne les trahisse en signant le traité de Lisbonne, sensiblement identique. Plus tard, à la faculté de droit, chaque évocation des articles « ex-TCE » du traité de Lisbonne fonctionnait comme une piqûre de rappel politique pour ma génération. Nous n’entendions plus nos professeurs baby boomers sur le couplet: « L’UE, c’est la paix ». Eux avaient vu le jour au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Nous, nous voyions poindre un monde libéral post-national, rejeté par les peuples. La mondialisation donc. Elle reflète pour moi trois points fondamentaux. D’abord la mise en concurrence sans protections. Notre vision économique, originellement «verticale », était celle d’un État stratège qui défendait ses emplois. Elle n’est plus à l’ordre du jour depuis le 23 juin 1983, qui marque un tournant vers la vision « horizontale » propre à la concurrence libre et non faussée. Ce jour-là, l’État français a refusé de soutenir l’entreprise Creusot-Loire et ses 30000 salariés. Le massacre ne faisait que commencer. Aujourd’hui, l’intervention étatique se résume à une formation de reconversion des licenciés vers le tertiaire, comme à Florange.
Le deuxième est relatif à la fin programmée des États au sein du commerce mondial. Comme me l’a confié Maria Espinoza, présidente de l’Assemblée de l’ONU, les traités commerciaux type CETA régissent 80 % du commerce mondial et ont pour objectif de rendre les États invisibles.
Enfin, le point relatif aux GAFA. S’ils connaissent déjà nos faits, gestes et envies, ils pourront dicter notre modèle social.
Sous couvert de progressisme, Google propose aux femmes de congeler leurs ovocytes de façon à ce qu’elles s’astreignent à leur carrière. Une fois tuées par le travail, elles auront le droit au bonheur d’être mères. À l’heure où Instagram raye Maduro en tant que chef d’État pour officialiser Guaido, voyez comme l’histoire s’accélère. Il y a quelques années, nous manifestions contre la guerre en Irak. Aujourd’hui, plus la peine de bombarder une TV nationale ou de passer par l’ONU: un clic suffit.

ÉLÉMENTS: De père serbe et de mère iranienne, quel regard portez-vous sur la fracturation de l’identité nationale, « l’archipel français », suivant le titre du livre de Jérôme Fourquet ?
ANDRÉA KOTARAC. Nous voyons que notre société est en cours de fissuration ou de communautarisation ethnique, religieuse et sexuelle. Nous ne comptons plus le nombre de mots en « phobie » ou de débats communautaristes. Apparaissent des listes ethniques aux élections comme l’UDMF (musulman) ou des députés de la nation chantant l’hymne israélien comme en 2011. Ailleurs, ce sont des débats aussi surprenants que ceux tenus au congrès du MJS sur le « féminisme intersectionnel » ou les propos d’une cadre de l’UNEF sur le délire des « Blancs » suite à l’incendie de Notre-Dame. Ces concepts importés des États-Unis sont nos ennemis. À la métropole de Lyon, j’ai pu observer sur certains sujets, comme le chantier de l’Institut de la civilisation musulmane, que nombre d’élus, tous laïcs autoproclamés, avaient voté en faveur de ce projet cultuel cofinancé par les Saoudiens. Volontairement ou non, ces « diviseurs opportunistes » fractionnent le peuple face à l’oligarchie, montent les faibles contre les faibles et poussent à l’inertie. Or, comme disait Machiavel, « la plus grande forteresse des tyrans est l’inertie des peuples ». Ce gauchisme est l’arme de l’oligarchie, et l’ennemi de la République une et indivisible. Notre programme, c’était justement « l’Avenir en commun ». Mes origines serbes me permettent d’attirer l’attention sur les risques de balkanisation sociétale. Mes origines iraniennes, de résister à la tentation de la diabolisation ambiante.

ÉLÉMENTS: L’immigration demeure un impensé à gauche. Pour l’avoir abordé, Djordje Kuzmanovic, ex-conseiller aux affaires internationales de Mélenchon, a dû quitter LFI…
ANDRÉA KOTARAC. Je suis fidèle à la pensée de Mélenchon et je dois vous avouer aussi que je suis un ami de Djordje. JeanLuca posé les bases du débat en expliquant que « l’immigration est une souffrance ». Djordje l’a terminée à sa manière en expliquant qu’il fallait l’abréger en « asséchant les flux ». Pour ma part, je pose ma réflexion en trois points. Le premier est ce grave constat, affligeant et inhumain, qui nous réduit à observer des milliers de personnes sombrer en Méditerranée. Le second point est une réflexion à froid sur les rapports démographiques (ONU) et les flux migratoires. Le continent africain va littéralement exploser ces prochaines décennies. Il faut anticiper les causes qui poussent les gens à partir de chez eux, à souffrir. L’immigration étant un flux, la situation sociale de tous ne s’arrangera pas si l’on n’agit pas sur les causes des migrations, en contraignant l’oligarchie, de façon à permettre aux personnes de vivre dignement chez elles sans risquer leur vie.
Enfin, troisième point, celui de « l’après immigration ». Dans notre devise, il y a liberté, égalité et fraternité. Or, cette dernière ne peut s’imposer d’elle-même. Elle est le fruit d’une construction historique, et d’un avenir en commun qui fond à vue d’œil, à mesure que la balkanisation sociétale avance. J’ai vu mon pays, la France, bombarder illégalement mes proches en Serbie. La solution la plus facile pour moi aurait été de sombrer dans un sentiment anti-France. Mais il a fallu me redresser, considérer que l’histoire était faite de la main de l’homme. Ce qui sème l’espoir aujourd’hui, c’est que l’ère du commun, du patriotisme et de la lutte contre l’oligarchie, s’écrit en jaune, mais surtout au présent.

Retrouvez l’intégralité de l’entretien accordé par Adréa Kotarac à éléments en commandant le magazine  ici.
Photos DR.

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