La politique ferme de remigration des autorités algériennes prouve qu’il est possible d’agir avec détermination contre la présence de clandestins et de pseudo réfugiés.

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L’Algérie est à la frontière entre le monde méditerranée et l’Afrique noire. L’Europe a tout intérêt à soutenir l’Algérie dans sa lutte contre les vagues migratoires venues du sud. Le Monde a publié un reportage sur ces politiques en adoptant de toute évidence un point vue hostile au gouvernement algérien. Quelques extraits.

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Chaque semaine, à raison d’un à trois convois, des centaines de migrants sont expulsés d’Algérie, abandonnés dans le désert et dans le dénuement le plus total. Ce phénomène, observé par l’OIM à partir de septembre 2017, s’accélère.

A l’origine, les autorités algériennes ne déportaient que des Nigériens, dans le cadre d’une entente avec ce pays voisin, en vigueur depuis 2014, visant les femmes et les enfants venus mendier en Algérie, puis des hommes venus travailler. Peu à peu ont également été expulsés des migrants venus de toute l’Afrique de l’Ouest. Sans que la protestation de Niamey y change grand-chose.

« Une violation du droit international »

Si les autorités nigériennes prennent en charge leurs ressortissants à la frontière – plus de 14 000 ont été déportés en 2018, deux fois plus qu’en 2017 –, les non-Nigériens, eux, sont laissés à la responsabilité de l’OIM qui, grâce à un financement de l’Union européenne (UE), les secourt et leur propose une « aide au retour volontaire » dans leur pays d’origine.

En 2017, 1 871 Ouest-Africains ont été déposés à la frontière. Fin 2018, selon l’OIM, ils étaient six fois plus nombreux soit 11 238 Maliens, Guinéens, Camerounais, Sénégalais, Ivoiriens, Nigérians… Le rapporteur spécial des Nations unies (ONU) sur les droits de l’homme des migrants, Felipe Gonzalez Morales, a eu beau protester : « Ces expulsions collectives de l’Algérie vers le Niger constituent une violation flagrante du droit international », le message est resté sans effets.

Mère de trois enfants , cette femme nigérienne originaire de Matamèye, au sud du Niger, a été expulsée d'Algérie alors qu’elle mendiait à Laghouat.

 

Mère de trois enfants , cette femme nigérienne originaire de Matamèye, au sud du Niger, a été expulsée d’Algérie alors qu’elle mendiait à Laghouat. .

A peine débarqués des bétaillères, à Arlit, les refoulés du 7 décembre s’empressent de témoigner de la « chasse à l’homme noir » qui sévit dans les rues des villes algériennes. « Même la protection civile » participe aux arrestations, assure l’un d’eux. « C’est les civils qui attrapent maintenant,jure un autre. Chaque Noir, chaque Black, ils vont te donner 2 000 dinars si tu les ramènes à la police. »

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« Ils nous ont giflés et tout pris »

Certains ont été arrêtés sur leur lieu de travail, comme ce conducteur de bétonnière, qui porte encore ses bottes de chantier, ou cet agent d’entretien dans une salle de fête, en tenue lui aussi. Le patron du premier, un Chinois, a essayé de négocier que son employé soit relâché, « mais le gendarme demandait 200 000 dinars et il n’en proposait que 100 000 ».

Amin vivait sur son lieu de travail. Il venait de finir sa journée. « J’allais me laver, je suis arrivé dans la chambre et mon patron m’a dit : “Amin, sors !” Il y avait un gendarme. J’ai couru, ils m’ont rattrapé dans le caniveau ». Seth et Steven, deux maçons ghanéens en Algérie depuis plus de deux ans, expliquent que la police a défoncé la porte de leur logement : « Ils nous ont giflés et ont tout pris. » Une situation dénoncée par Felipe Gonzalez Morales :

« Ces migrants, victimes d’intimidation raciale, de discrimination et de persécution en Algérie, n’ont même pas la possibilité de s’habiller, de prendre leurs affaires et de récupérer leurs économies d’une vie avant d’être expulsés. »

Maloumané, 22 ans, sénégalais, s’est fait arrêter à Tamanrasset, en Algérie, en novembre. Les policiers ont pris son argent et son téléphone. Il souhaite rentrer chez lui, en Casamance.

 

Maloumané, 22 ans, sénégalais, s’est fait arrêter à Tamanrasset, en Algérie, en novembre. Les policiers ont pris son argent et son téléphone. Il souhaite rentrer chez lui, en Casamance. .

Avant d’être conduits à la frontière, ils sont placés en détention. Un homme assure ainsi avoir passé huit jours dans le sous-sol du commissariat de Chlef, à 200 kilomètres au sud-ouest d’Alger. Ceux qui viennent de la capitale disent avoir été enfermés plusieurs jours dans un centre pour sans domicile fixe du Samusocial, dans le quartier de Dely Ibrahim. Rassemblés dans des bus, ils ont ensuite été convoyés 2 000 kilomètres plus au sud par le Croissant-Rouge, sous escorte militaire. Arrivés à Tamanrasset, à l’extrême sud, ils ont passé une nuit dans un centre avant d’être transférés dans des camions à bétail et lâchés dans le Sahara, 400 kilomètres plus au sud.

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Un migrant blessé après avoir été frappé au visage lors de son interpellation à Alger, dans le centre d’accueil de l’OIM d’Arlit (Niger), le 8 décembre.

 

Un migrant blessé après avoir été frappé au visage lors de son interpellation à Alger, dans le centre d’accueil de l’OIM d’Arlit (Niger), le 8 décembre. .

En juin, le premier ministre algérien avait d’ailleurs considéré que « parce que l’Algérie n’accepte pas d’être un centre de rétention des migrants africains au bénéfice de l’Europe, elle est la cible d’attaques d’organisations extérieures qui osent même l’accuser de racisme ». Le ministre de l’intérieur, Noureddine Bedoui, a lui assuré que les rapatriements des « clandestins » se font « dans le respect de leur droit et de la dignité humaine ».

Plusieurs décès, des rafles brutales

Les conditions de leur transport et de leur abandon indiquent pourtant le contraire. Parmi les personnes refoulées interrogées, un jeune Guinéen de 18 ans explique avoir vu une personne « menottée et enfermée dans le coffre d’une voiture militaire » alors qu’elle avait tenté de s’échapper du convoi. Yvette, une Camerounaise, dit avoir été expulsée malgré un diabète élevé. « A Alger, un médecin s’est fâché mais le policier a refusé que je sois hospitalisée parce qu’il voulait que je voyage, rapporte-t-elle. A Tamanrasset, j’ai été hospitalisée deux jours, j’avais 22 de tension et ma glycémie était à 4,64. »

Guediouma, un Malien de 24 ans, se souvient d’un Guinéen qui a sauté du 4e étage de son chantier lorsque la police est venue l’arrêter : « Il avait un plâtre au pied et une ceinture de maintien au niveau du dos. Dans le désert, il a fallu que les gens le portent. »

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Les refoulés décrivent aussi des rafles brutales qui s’abattent de façon indistincte sur les personnes de couleur noire. Le plus souvent, sans contrôle de leur situation administrative.

Dans un français très académique, Michel, un Congolais, voudrait balayer d’une formule l’humiliation subie : « Tel que vous me voyez, je suis méconnaissable », assure-t-il, dans un sursaut d’orgueil mais encore tout chiffonné d’avoir voyagé plusieurs jours « comme des vaches dans des camions ». Il raconte avoir été « poussé dans un bus » alors qu’il faisait valoir son statut d’étudiant. « Ils ont refusé de me laisser appeler mon ambassade, nous ont menottés comme des voleurs, affirme-t-il. L’Algérie a bafoué mes droits parce que je suis noir. Je dénonce ce racisme. »

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« Sans rien, sans eau, avec les enfants, les femmes… »

Une minorité décide d’ailleurs de jouer finalement une autre carte et de gagner les foyers clandestins de la ville. Derrière un mur de ciment ou de latérite, dans une cour ou, à l’abri, dans une petite bâtisse, le quotidien s’organise alors sur une natte en plastique, avec l’espoir d’un transfert d’argent ou d’un petit boulot qui financera un nouveau départ. Dans un de ces foyers, Esther et Lovetta, une Nigériane et une Libérienne, et leurs enfants de 1 et 2 ans, tuent le temps sans argent pour payer un retour en Algérie mais sans autre option envisageable. « On ne peut pas rentrer chez nous sans rien », justifient-elles.

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Doukouri, 18 ans (à droite) et son frère Karim, 14 ans, originaires de Guinée, sont arrivés depuis quelques jours à Agadez (nord du Niger). Ils habitent dans un ghetto du quartier Malboro.Interpellés à Debdeb, ville frontalière entre l’Algérie et la Libye, après cinq mois passés entre Conakry, Gao, Tamanrasset et Debdeb. Leur grand frère a accepté le programme de retour volontaire proposé par l’Organisation internationale des migrations.

 

Doukouri, 18 ans (à droite) et son frère Karim, 14 ans, originaires de Guinée, sont arrivés depuis quelques jours à Agadez (nord du Niger). Ils habitent dans un ghetto du quartier Malboro.Interpellés à Debdeb, ville frontalière entre l’Algérie et la Libye, après cinq mois passés entre Conakry, Gao, Tamanrasset et Debdeb. Leur grand frère a accepté le programme de retour volontaire proposé par l’Organisation internationale des migrations. BACHIR POUR « LE MONDE »

Sur place, ils croisent beaucoup de gens revenus de Libye. « On nous a dit que c’était un pays de crime. On a vu qu’il n’y avait plus de route pour l’Italie. On a finalement décidé d’aller à Oran. » Mais la police les arrête avant qu’ils concrétisent leur projet.

Envoyé à Illizi puis à Tamanrasset, Doukouri se souvient des gens du Croissant-Rouge qui « ne nous parlaient pas », « des militaires qui frappent les gens », du genou fracturé de son grand frère, de la marche dans le désert « sans rien, sans eau, avec les enfants, les femmes, les vieux… ». Le jeune homme paraît choqué. Son frère aîné a finalement choisi de rentrer en Guinée pour se faire soigner. « Il nous a dit de ne pas nous décourager. Lui, il ne peut plus continuer son aventure. »

Depuis trois semaines, Doukouri et son petit frère attendent à Agadez. « Ça se passe très mal, reconnaît-il. Je ne trouve pas de travail ni même à manger. » Quelques jours plus tard, à bout, il conduira Karim au centre de l’OIM. Accepter le retour volontaire, pour pouvoir se nourrir. Lui n’a pas encore renoncé. « Maman sera fatiguée dans quelques années et je ne sais pas ce qu’on va devenir, confie-t-il. J’ai deux petits frères au pays. A chaque fois que je me couche, je pense à eux et je n’arrive pas à dormir. » Il a bien essayé de joindre une connaissance en France, mais « depuis que je lui ai dit que j’avais besoin d’aide, il ne répond plus au téléphone ».

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