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Il faut arrêter de mentir en passant sous silence la composante religieuse des attentats. On parle de « terrorisme » de « radicalisation » mais sans jamais avouer une réalité qui contredit le dogme de l’«islam religion de paix».

Dans une tribune d’un rare courage publiée par le quotidien de gauche Libération, trois chercheurs en appellent à la fin du mensonge : oui la religion musulmane est une composante essentielle du terrorisme islamique. Refuser d’en parler au nom du « vivre ensemble » est une grave erreur qui interdit de s’attaquer aux racines de cette tragédie.

Ces trois chercheurs comptent parmi les plus respectés sur les questions de l’islam : Gilles Kepel, Professeur à l’université Paris Sciences et Lettres – auteur de Sortir du Chaos (Editions Gallimard), Bernard Rougier, de l’Institut universitaire de France , Hugo Micheron, doctorant à l’Ecole normale supérieure.

Nous présentons un extrait de leur tribune à retrouver en intégralité dans les colonnes de Libération.

Des musulmans manifestent contre le terrorisme islamique. Malheureusement, leurs bonnes intentions sont en contradiction avec leur religion dont bien des composantes portent un message de violence.

 

Dire que les motivations de Chérif Chekatt, auteur de l’attentat de Strasbourg, étaient sans liens avec l’islam constitue un enfumage qui nie les liens entre salafisme et jihadisme ainsi que l’ancrage européen de l’islamisme.

Tribune. A en croire certaines opinions parues dans la presse, le tueur présumé du marché de Noël à Strasbourg n’aurait rien à voir avec l’islam. «Chérif Chekatt ou le faux jihadiste», écrivait le sociologue Farhad Khosrokhavar dans les pages débats du Monde. Dans la même rubrique, le sociologue de l’université Paris-XIII Daniel Verba surenchérissait dans cette rengaine dénégationniste : «Il n’y a en quelque sorte que de faux jihadistes» (15 et 18 décembre). Selon eux, le crime aurait été commis «par désespoir», dû à la «souffrance psycho-affective» d’un «jeune de banlieue» faisant partie des populations «racisées» – ce dernier terme relevant du lexique militant du Parti des indigènes de la République, soudain hissé par certains universitaires à la dignité de concept des sciences sociales. En vidant son chargeur dans les rues de Strasbourg au cri de «Allah Akbar !» («Dieu est le plus grand !»), il n’aurait cherché qu’à «attirer l’attention des médias» pour donner une résonance religieuse superficielle à un geste criminel essentiellement motivé par le désir de «revanche sociale», et assurer sa rédemption en «martyr». Le propre père de celui-ci, lui-même salafiste assumé, a pourtant témoigné de l’admiration de Chérif «pour Daech qui agissait pour une juste cause».

Mais pour les dénégationnistes tout cela est sans pertinence : il n’y a «rien à voir» – et donc à savoir ni à apprendre – sur la dimension idéologique de pareil terrorisme. Pourtant, les recherches minutieusement conduites sur le terrain, des quartiers populaires aux prisons en passant par la Toile, démontrent exactement le contraire. Prétendre que «les nouveaux terroristes ne connaissent pas bien l’islam» traduit l’ignorance de la réalité sociale et notamment de cet angle mort des sociologues dénégationnistes où s’élaborent, entre mosquée, librairie islamiste, salle de sport, marchés et connexions numériques, les dispositifs idéologiques et existentiels du salafisme d’imprégnation communautaire exclusive et de rupture avec la société globale «mécréante».

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Quantité d’exemples illustrent cette interpénétration. Le cheikh Abou Qatada, figure du Londonistan des années 90, sommité intellectuelle du jihadisme mondial, est passé par les réseaux fondamentalistes du Tabligh (organisation prosélyte qui prône à ses membres l’imitation littérale du Prophète) en Jordanie avant de s’engager dans le jihadisme en Afghanistan. Plus près de nous, Fabien Clain et son frère Jean-Michel, aujourd’hui soupçonnés d’avoir joué un rôle cardinal au sein de Daech dans l’organisation des attentats du 13 novembre 2015 à Paris et à Saint-Denis, ont également fréquenté le Tabligh, puis les milieux salafistes de la mosquée dite de Basso Combo, dans le quartier de Bellefontaine à Toulouse dans les années 2000, avant de basculer à leur tour dans la violence jihadiste.

La dénonciation de la nature religieuse du terrorisme islamique est souvent le fait d’organisations qui refusent le consensus mou de la bien pensance et se retrouvent de ce fait marginalisées par les médias dominants.

(…)

Au niveau de la fréquentation des mosquées, les trajectoires militantes illustrent une grande perméabilité entre salafisme piétiste et jihadiste, ce qui n’a rien d’étonnant au regard de l’identité des sources doctrinales s’agissant des normes morales, de la pureté corporelle, du rapport à l’altérité et aux institutions. La bibliothèque numérique d’Abdelkader Merah mélangeait les deux genres, l’intéressé justifiant cette curiosité lors de son procès en octobre 2017 par la «recherche de la science». Le balayage des sites religieux en ligne suggère que les deux publics jihadiste et salafiste se lisent mutuellement, quitte à s’excommunier réciproquement sur les enjeux politiques, tout en se disputant l’interprétation la plus fidèle des mêmes auteurs canoniques (Ibn Hanbal, Ibn Taymiyya, Mohammed ibn Abd al-Wahhab). Les jihadistes se réclament d’une meilleure cohérence que leurs frères salafistes, car ils tirent quant à eux les conclusions politiques de leur engagement religieux en passant à l’action terroriste.

Le cas de Chérif Chekatt est riche d’enseignements. Il va bien au-delà de «l’individu stigmatisé»et de son «besoin inassouvi de reconnaissance». Il ne s’est pas «radicalisé» en prison (pour employer un terme qui fait écran à l’intelligence du phénomène), mais a été signalé comme prosélyte, ce qui indique qu’il avait déjà acquis de fortes convictions idéologiques qu’il tentait d’imposer aux autres détenus. Son profil hybride, mi-délinquant, mi-jihadiste, correspond à une catégorie (parmi d’autres) de militants, spécialement valorisée par Daech – ceux qui savent manier les armes, participer aux basses besognes du groupe en Syrie, et fournissent planques sûres et appartements conspiratifs en Europe grâce à leur passé criminel. Il évoque irrésistiblement le cas de Mohammed Merah, lui-même délinquant et jihadiste (nul obstacle théologique à vendre de la drogue aux mécréants, puisque cela les affaiblit). Strasbourg s’inscrit, avec Toulouse, Nice, Lille, dans une géographie nodale du jihadisme qui ne doit rien au hasard.

 

Sur ce cliché du photographe Fred Marie, on voit des éléments français de l’opération Barkhane. L’Armée française a démontré ses capacités opérationnelles contre un ennemi déterminé et mal armé. Sera-t-elle capable d’affronter les risques qui s’annoncent pour les dix prochaines années ? Quand le champ de bataille risque d’être bien plus proche ?

 

Le Groupe islamique armé (GIA) y avait mis en place des cellules en lien avec la ville de Francfort, et ces expériences forment des jalons sur la piste des nouvelles générations, comme en témoigne le projet d’attentat sur le marché de Noël de Strasbourg dès 2000. A l’été 2012, les Strasbourgeois, comme les Toulousains, sont les premiers à faire leur hijra en Syrie et l’un d’eux, Fouad Aggad, originaire du Neuhof, dans la banlieue sud-est de Strasbourg, a participé au massacre du Bataclan. Le jihadisme, dans son idéologie, ses modes d’action, ses dispositifs militants, s’inscrit dans un cadre beaucoup plus large, dont la chronologie remonte à la guerre en Afghanistan dans la seconde moitié des années 80, et n’est pas intelligible sans prendre en compte les modes d’inscription de ce phénomène global dans les contextes locaux.

Depuis des semaines, les sites jihadistes francophones animés depuis la Syrie invitent à frapper les marchés de Noël, symbole de la mécréance, pour accroître le chaos dans une France fragilisée par la crise des gilets jaunes et s’immiscer dans ses failles. Invoquer ici «faux débat»ou «faux jihadistes» constitue un enfumage qui ignore les liens entre la constitution d’enclaves idéologiques à l’intérieur des quartiers populaires et les socialisations religieuses conduisant à l’acte terroriste. Face à pareil dénégationnisme, il importe plus que jamais de décrire les phénomènes dans leur complexité au lieu de les occulter par dogmatisme. L’objectif n’est pas «de faire peur à la société», mais de fournir à celle-ci les outils de compréhension d’un phénomène résilient susceptible de bouleverser en profondeur les équilibres politiques à l’échelle nationale et européenne – dont la conséquence la plus prévisible est la montée en réaction de l’extrême droite dans les urnes et dans la rue. L’acte criminel de Strasbourg met aussi la recherche face à sa mission scientifique.

Retrouvez l’intégralité de cette tribune dans les colonnes de Libération en cliquant ici.
Photos CC de Fred Marie, Thomas Hawk, Anuradha Sengupta et Pejman Parvandi via Flickr.

L’attaque sanglante par un musulman radicalisé à Strasbourg ne devrait étonner personne. Elle résulte d’un double échec, en premier celui du refus reconnaître la dimension religieuse de cette violence et en deuxième de l’incapacité des forces de police à s’attaquer aux sources du mal. Une analyse sans concessions du criminologue Xavier Raufer.

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